Thomas Tilly - Antoine Fouquet / Codex Amphibia

© Thomas Tilly
© Thomas Tilly

Codex amphibia (an interpretation of the explosive breeding phenomenon) est un projet issu d’une collaboration menée avec Antoine Fouquet (Chargé de Recherche au CNRS - Laboratoire Écologie, Évolution, Interactions des Systèmes Amazoniens), lors d’une étude de terrain sur la montagne de Kaw, en Guyane, décembre 2016.

Toutes les compositions ont été réalisées à partir d’enregistrements de terrain non transformés et non montés ainsi que d’ondes sinusoïdales, en 2016 et 2017 par Thomas Tilly. Ce projet est porté par Le Lieu Multiple, Jazz à Poitiers, le Centre national de création musicale Césaré et soutenu techniquement et logistiquement par le CNRS Guyane.

Édité par Glistening Examples en 2018 (en écoute sur glisteningexamples.com)
Ce projet constitue une suite naturelle mais indépendante de Script Geometry (2013).

Vendredi 16 mars 2018 - Vendredi 20 avril 2018
Résidence

Thomas Tilly - Antoine Fouquet / Codex Amphibia

Reproductions explosives - projet de recherche

En Guyane, les premières fortes pluies de décembre marquent la fin de la saison sèche et forment des mares temporaires en l’espace de quelques jours. C’est le moment qu’attendent des milliers de grenouilles pouvant appartenir à quinze espèces différentes pour se concentrer dans quelques dizaines de mètres carrés et pour une unique nuit de frénésie sexuelle. Ces rassemblements, réunissant parfois plusieurs dizaines de milliers de grenouilles vertes, brunes, grosses ou minuscules qui se bousculent et s’enserrent dans un chaos sonore, produisent un grand spectacle naturel, au même titre que la migration des gnous en Afrique australe ou les sauts de baleines à bosse. Ces reproductions explosives intriguent les biologistes qui essaient de comprendre pourquoi et comment elles se produisent.

Le pic d’activité de la reproduction offre un spectacle visuel mais génère également un mur de son avoisinant les 100 décibels. L’entièreté du spectre sonore généré est audible par l’homme et peut être entendu à plusieurs centaines de mètres de la mare, si bien que l’étude du phénomène nécessite des protections auditives. La manière dont les différentes espèces présentes retrouvent leurs partenaires potentiels dans une telle cacophonie reste également un mystère, la distinction des différents phonèmes restant extrêmement compliquée à établir pour une oreille humaine.

Un tel évènement créé les conditions parfaites pour la rencontre entre un herpétologue, Antoine Fouquet, et un artiste sonore, Thomas Tilly.

En décembre 2016, ils ont installé un campement à proximité d’une de ces mares encore à sec afin d’observer et d’écouter le comportement des différentes espèces avant le déclenchement de l’explosion. Enrichis des précédents enregistrements de Thomas Tilly sur ces mêmes sites, ils ont voulu tester si la diffusion d’enregistrements sonores de reproductions explosives pouvait inciter certaines espèces à se rassembler dans la mare encore à sec et le cas échéant d’en savoir un peu plus sur de potentiels signaux acoustiques utilisés par les espèces participant à ces regroupements.

 

Codex amphibia - pièces de Thomas Tilly

Ces recherches et expériences sont l’occasion pour Thomas Tilly de collecter une matière sonore inestimable. Il ne s’agit pas pour autant d’oublier le sensible au profit du seul processus analytique, mais bien de tenter un frottement entre les deux ; capter les mutations de l’environnement et les lignes acoustiques qui s’y tissent, tout en imaginant déjà un possible dialogue avec des éléments électroniques joués ultérieurement en studio ; établir un va-et-vient entre ces dialogues naturels et des interprétations (traductions) artificielles (et forcément culturelles).

La suite de pièces présenté dans Codex amphibia est donc une alternance de ces fragments captés et de leurs interprétations, tantôt présentés seuls, tantôt mixés ensembles. Ils suivent le schème de la reproduction explosive dans sa chronologie, au fil d’un découpage en trois phases : la pré-explosion, l’explosion, la post-explosion.